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Vie de l'église

Ce quatrième juillet, célébrons notre dépendance les uns envers les autres

(Unsplash/Jim Strasma)

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Il est temps de sortir les drapeaux et les banderoles, d’allumer le gril, de vous rendre au centre commercial si vous êtes dans la région de Washington ou sur l’Esplanade si vous êtes à Boston — le tout pour commémorer l’anniversaire de la naissance de la nation.

J’ai toujours pensé que cela vous en dit long, et vous dit quelque chose de bien, sur la compréhension de soi des Américains que nous ne marquons pas la fondation de la nation par une victoire au combat ou la prise d’assaut d’une prison, mais par la signature d’un document dans lequel les Pères fondateurs exposent leurs raisons de chercher à établir une nation indépendante. Depuis le début, les États-Unis ont été des idées, pas des lignées, sur un avenir partagé autant que sur un passé partagé.

Nous vivons à une époque où cette vision à laquelle les délégués de Philadelphie ont apposé leur signature fait l’objet de menaces graves et multiples. La menace la plus évidente et la plus pernicieuse vient de la personne de Donald Trump et de ses acolytes, tant en politique que dans les médias, qui continuent de répandre des mensonges sur les élections de 2020 et cherchent des bureaux dans lesquels ils pourraient être en mesure de manipuler les résultats des futures élections. L’idée d’auto-gouvernance est vidée lorsque les résultats des élections ne sont pas honorés.

Des menaces moins immédiates peuvent être trouvées dans la conviction répandue que le gouvernement est incapable de faire progresser le bien commun, l’idée libertaire moins répandue mais bien financée selon laquelle le bien commun n’existe pas, et diverses formes de politique identitaire qui placent les catégories raciales et ethniques au premier plan de la politique plutôt que des idées et des intérêts.

Aujourd’hui, cependant, c’est le concept d’indépendance qui mérite d’être analysé. D’une part, nous pouvons tous être ravis que les colonies britanniques aient rompu avec la mère patrie. La Grande-Bretagne est une nation de réalisations culturelles exceptionnelles, bien sûr, mais la royauté est mal adaptée aux jeunes pays comme les États-Unis, et le système de classes rigide qui s’est poursuivi à l’époque édouardienne aurait étouffé l’énergie culturelle américaine. Nous avons nos propres verrues laides à considérer, le racisme étant le plus pernicieux. Pourtant, il est difficile d’imaginer un pays où plus de gens, pour des raisons plus nombreuses et différentes, cherchent à créer leur propre avenir que l’Amérique.

L’indépendance, cependant, est considérée comme faisant partie de notre caractère national, pas seulement de notre charte nationale. Nous sommes un peuple réputé individualiste. Alexis de Tocqueville l’a observé, et la menace qu’il représentait, lors de sa célèbre tournée du pays en 1831 et l’a commenté dans son texte magistral La démocratie en Amérique.

L’indépendance a été équilibrée par les diverses associations bénévoles qui ont créé ce que nous appelons le capital social, et à partir desquelles de Tocqueville a compris à juste titre que les Américains construisent des relations qui exigent et entretiennent à la fois des relations éthiques dans la société. En bref, notre indépendance ne réussit que dans la mesure où elle est équilibrée par l’interdépendance sociétale, par des liens qui pourraient restreindre notre indépendance et notre liberté, mais qui le font dans la poursuite du bien commun, par la dépendance mutuelle.

L’une des idées les plus perspicaces de de Tocqueville était que l’individualisme est lié au matérialisme, c’est pourquoi il pensait que la religiosité des Américains était une telle force d’équilibre dans la société.

De nos jours, ce sont les non qui augmentent et les bancs qui se vident. Le capital social est en déclin depuis des décennies et personne ne semble capable de trouver des moyens d’inverser cette tendance. Nous avons enduré une pandémie et, pourtant, la nation s’est retrouvée divisée même sur cette menace commune et complètement non idéologique et non partisane. Ce quatrième juillet, peut-être devrions-nous pleurer la perte croissante de la dépendance, au lieu de célébrer notre indépendance.

Si nous le faisons, il n’y a aucun doute sur le texte qui nous instruira. Dans son encyclique de 2020 Fratelli tutti, Le pape François attire à plusieurs reprises l’attention sur les façons dont les sentiments d’autosuffisance, d’individualisme et d’indépendance nous égarent:

L’individualisme ne nous rend pas plus libres, plus égaux, plus fraternels. La simple somme des intérêts individuels n’est pas capable de générer un monde meilleur pour toute la famille humaine. Cela ne peut pas non plus nous sauver des nombreux maux qui sont maintenant de plus en plus mondialisés. L’individualisme radical est un virus extrêmement difficile à éliminer, car il est intelligent. Il nous fait croire que tout consiste à laisser libre cours à nos propres ambitions, comme si en poursuivant des ambitions toujours plus grandes et en créant des filets de sécurité, nous servions en quelque sorte le bien commun. (#105)

Il a proposé, au contraire, une vision de solidarité et de fraternité fondée sur le respect de la dignité absolue de chaque personne humaine:

Je souhaite qu’en notre temps, en reconnaissant la dignité de chaque personne humaine, nous puissions contribuer à la renaissance d’une aspiration universelle à la fraternité. Fraternité entre tous les hommes et toutes les femmes dream Rêvons donc comme une seule famille humaine, comme compagnons de route partageant la même chair, comme enfants de la même terre qui est notre maison commune, chacun de nous apportant la richesse de ses croyances et de ses convictions, chacun de nous avec sa propre voix, frères et sœurs tous. (#8)

Comme de Tocqueville, le Saint-Père reconnaît le lien entre hyperindividualisme et matérialisme, avec des conséquences sociales négatives enracinées dans l’incapacité des relations de consommation à créer des liens éthiques:

Même si les individus maintiennent leur confortable isolement consumériste, ils peuvent choisir une forme de lien constant et fébrile qui encourage une hostilité remarquable, des insultes,des abus, de la diffamation et une violence verbale destructrice des autres, et ce avec un manque de retenue qui ne pourrait exister dans le contact physique sans nous déchirer tous. L’agression sociale a trouvé une place inégalée pour l’expansion à travers les ordinateurs et les appareils mobiles. (#44)

Ce quatrième week-end de juillet, je prévois de relire Fratelli tutti, pour en faire une prière pour l’avenir de ce pays que nous aimons, alors que nous célébrons notre indépendance de la Grande-Bretagne il y a 246 ans, nous trouverons de nouvelles façons d’exprimer et de chérir notre interdépendance les uns avec les autres. Joyeux Quatrième Juillet!