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Reliques et militants: Le procès pour fraude du Vatican s’étend sur le monde

Cardinal Angelo Becciu talks to journalists during press conference in Rome, in this Friday, Sept. 25, 2020. (AP Photo/Gregorio Borgia)

Le Cardinal Angelo Becciu s’entretient avec des journalistes lors d’une conférence de presse à Rome, ce vendredi, Sept. 25, 2020. (Photo AP / Gregorio Borgia)

CITÉ DU VATICAN — Le procès financier du Vatican a pris une série de tournures surréalistes jeudi lorsqu’un ancien suspect devenu témoin vedette a été expulsé du tribunal et qu’un accusé a affirmé dans des documents judiciaires qu’elle avait escorté deux émissaires du président russe Vladimir Poutine au Saint-Siège pour négocier le retour des saintes reliques à l’Église orthodoxe russe.

Les développements ont transformé un contre-interrogatoire par ailleurs banal d’un ancien courtier du Vatican sur les stratégies d’investissement du Vatican en un drame inattendu. Il a souligné la particularité du procès et la situation remarquable dans laquelle le Saint-Siège s’est trouvé après avoir confié un délicat travail diplomatique, financier et de renseignement à des étrangers qui ont franchi la porte en impressionnant un cardinal.

Le procès est né de l’investissement de 350 millions d’euros du Saint-Siège dans une transaction immobilière à Londres, mais il s’est étendu à d’autres crimes présumés. Les procureurs du Vatican ont accusé 10 personnes de fraude, de détournement de fonds et d’abus de pouvoir, et certaines d’avoir extorqué au Vatican 15 millions d’euros pour prendre le contrôle du bâtiment londonien.

L’un des premiers suspects de l’affaire de Londres, Monseigneur Alberto Perlasca, est devenu le témoin vedette de l’accusation après avoir retourné et commencé à révéler tout ce qu’il savait sur les autres accusés. Il affirme maintenant qu’il est victime du crime et qu’il a droit à des dommages-intérêts, et s’est présenté à l’improviste au tribunal jeudi pour être expulsé par le juge en chef.

Jeudi également, les avocats de l’accusée Cecilia Marogna ont déposé une déclaration personnelle dans laquelle elle expliquait son travail de renseignement au nom du Saint-Siège en des termes qui ressemblaient davantage à une description de poste de James Bond. Elle a déclaré que son travail comprenait des contacts avec des émissaires russes, des réunions avec des agents de renseignement italiens et des mises à jour régulières avec les chefs des services secrets de Colombie, du Burkina Faso et du Mali, le tout dans le but de libérer une religieuse colombienne qui avait été kidnappée par des militants liés à Al-Qaïda au Mali.

Marogna est accusée d’avoir détourné quelque 575 000 euros d’argent du Saint-Siège qui avaient apparemment été destinés à libérer la religieuse. Marogna affirme que l’argent était une compensation et des honoraires liés à son travail de renseignement. Les procureurs disent que Marogna a dépensé l’argent pour Prada, Tod’s et d’autres produits de luxe haut de gamme.

Le co-accusé de Marogna, le cardinal Angelo Becciu, a déjà témoigné qu’il avait engagé Marogna en tant que consultant en sécurité externe, impressionné par sa compréhension des affaires géopolitiques, et s’était tourné vers elle pour obtenir de l’aide à la suite de l’enlèvement de sœur Gloria Cecilia Narvaez en février 2017 au Mali. Elle avait été kidnappée par al-Qaïda au Maghreb islamique, qui a financé son insurrection en kidnappant des Occidentaux.

Becciu a révélé lors de son témoignage plus tôt ce mois-ci que François a approuvé des dépenses allant jusqu’à 1 million d’euros engager une société de renseignement britannique pour retrouver la religieuse et assurer sa liberté. Elle a finalement été libérée l’année dernière.

Marogna a insisté sur le fait que l’argent n’était pas une rançon, mais plutôt un paiement à la firme britannique, Inkerman, pour ses services. Elle a déclaré qu’Inkerman avait estimé que le coût total de la libération de la religieuse s’élèverait à 17 millions d’euros. Elle a déclaré que ses négociations avaient rencontré une série de problèmes après que le chef de la police du Vatican en eut eu vent, que le COVID-19 eut frappé et que son intermédiaire du renseignement italien eut été promu de manière inattendue.

Dans sa déclaration, Marogna a déclaré que les négociations pour les reliques de Saint-Nicolas, qui se tiennent dans la ville méridionale de Bari, se sont effondrées après que l’évêque local de Bari a refusé de les abandonner définitivement. Ils avaient été prêtés à la Russie pour deux mois en 2017, après un accord conclu entre le Pape François et le patriarche russe Kirill après leur rencontre de 2016 à La Havane.

Le récit de Marogna n’a pas pu être confirmé de manière indépendante. Elle a dit qu’elle n’avait jamais eu de contrat avec le Saint-Siège pour ses services et qu’on ne lui avait jamais demandé de fournir des reçus sur la façon dont elle comptabilisait ses dépenses.